Quand il avait quitté Iulia, quelques jours auparavant, Micha avait eu une folle envie de la serrer dans ses bras. Et il en était resté troublé pendant tout le voyage de retour vers Beriozovo. A présent, il prenait son temps, il pensait à cet instant où il avait failli faire le premier pas, à la foire de Iougorsk. Il était venu y acheter des couvertures et un cadeau pour le prince Menchikov, qu’il admirait. Il était parmi les seuls à continuer de rendre visite à ce pauvre proscrit autrefois puissant, et que l’impératrice Catherine avait fini par exiler dans ce village sibérien, au milieu de nulle part.
Micha était rentré presque par hasard dans un magasin qui proposait des tissus brodés et d’autres articles pour fumeurs. Elle était derrière le comptoir.
– Que veux-tu, voyageur? Micha distingua des cheveux blonds tressés qui encadraient un visage d’une grande douceur et des yeux en amande qui le regardaient avec curiosité.
– Je ne sais pas. Je cherche un objet à offrir.
La vendeuse contemplait le jeune homme qui avait l’air d’un soldat, bien que n’en portant pas l’uniforme. Ou plutôt d’un chasseur avec sa large veste et ses bottes de cuir fauve.
– J’ai des parfums de Paris. Les femmes en raffolent.
Micha ne put s’empêcher d’éclater de rire. Des parfums de Paris! A Iougorsk!
– Ce n’est pas pour une femme, petite effrontée. Comment t’appelles-tu?
La vendeuse s’approcha, les mains sur les hanches.
– Tu te moques de moi, dit-elle. Ce n’est pas bien. Si mon oncle était là, il te corrigerait. Mon nom est Iulia.
– Et bien, Iulia, laissons ton oncle là où il est et regardons un peu ces boites à tabac.
Un heure plus tard, Micha avait fait son choix, un pot de tabac brun de Lettonie, que Iulia empaquetait consciencieusement.
Il demanda:
– Je repars demain. Connais-tu une auberge où je pourrais passer la nuit avec un abri pour mon cheval.
– Mon oncle possède la meilleure auberge de la ville. Si tu m’attends, je t’emmène après mon travail.
Micha s’était installé sur une chaise dans le fond de la boutique. Il s’amusait de la petite moue sérieuse que faisait Iulia tout en travaillant. Elle s’activait à présent, pliait les vêtements, rangeait les rayons, servait quelques clients de passage. De temps en temps, quand elle croyait que Micha ne le remarquait pas, elle risquait un regard vers le jeune homme, elle lui trouvait une allure sobre, distinguée. Cela changeait de ces crétins de boyards qui passaient quelques fois. Ces sacs à vodka ne méritaient pas l’air qu’ils respiraient.
A suivre…
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