Aux armées 2 mai 1916
Ma chère petite Maman,
Trois jours que je ne reçois aucune nouvelle de Paris; je vous écris pourtant presque tous les jours. Mes lettres n’arrivent-elles pas ou ne me répondez-vous à chacune d’elles? Si tu savais comme les lettres sont attendues avec impatience. C’est tout le but de notre journée. Hier, j’ai dû faire encore soixante kilomètres à cheval pour la réparation des vieux canons. Heureusement que demain soir nous allons rechercher nos neufs. Une belle petite corvée de nuit: on ne rentrera qu’à 1 ou 2 heures du matin. Presque toutes les nuits, maintenant, arrivent des munitions. On ne peut s’imaginer ce que c’est: par des nuits d’un noir intense, sans pouvoir seulement allumer une allumette, faire des 200 mètres avec des obus sur le dos, dans des chemins boueux, pleins de trous d’obus, de branches tombées, etc. C’est tout à fait pittoresque. Je ne regrette vraiment pas d’être venu, car cela vous forme le caractère et vous affermit plus que toute autre chose. Les Boches bombardent toujours pas mal les routes, histoire de passer le temps. Le temps est toujours beau, malgré une averse tombée hier.
Ton fils qui t’embrasse de tout cœur
A. Delepierre
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