Mercredi 26 avril 1916

Chère Maman,
Comme je l’ai écrit hier à la hâte, j’ai fait un nbre respectable de kilomètres. Hier depuis 5 heures du matin jusqu’à 9 heures du soir, j’ai été tout le temps à cheval (j’en ai changé 4 fois) pour faire 70 kilomètres. Enfin, j’ai passé une bonne nuit et je suis frais et dispos ce matin. En ce moment, où je vous écris, je suis à l’échelon mais je repars immédiatement, à cheval encore, à la position de tir. Le temps depuis 2 jours est magnifique. Cela fait du bien.
Je crois qu’à la batterie de tir je vais trouver de vos lettres. Quelle chance si c’était vrai.
Bon baisers à tous
A. Delepierre
27 avril 1916
Ma Chère petite Maman,
Nous avons toujours un temps splendide mais cela a un mauvais côté aussi: en effet, toute la journée il y a des aéros français et boches. Aussi sommes-nous forcés de rester la majeure partie du temps dans nos cagnas. Hier après-midi, nous avons reçu une rafale d’obus de gros calibre (150 et 210). Heureusement, il n’y a eu personne de tué ni même blessé. Il n’y a eu qu’un canon un peu atteint ainsi que plusieurs ustensiles de campement. Tu vois qu’il faut vraiment un un gd hasard pour vous tuer quand on est dans une cagna: il faut que ça tombe juste dessus, et encore! Hier, j’étais à côté du gourbis du lieutenant, dans un abri solide. Un 210 est tombé à 1 m 50 de la porte: cela fait un joli petit déplacement d’air. En même temps, les arbres dégringolent (l’un a bouché l’escalier) et la terre tombe en pluie sur votre tête. Mais cela ne nous a pas empêché de continuer tranquillement notre manille aux enchères. L’habitude est vite prise.
La nuit, nous avons des concerts gratuits.: les rats sont de bons musiciens mais ne connaissent pas beaucoup de variantes. C’est toujours sur la même note qu’ils chantent. Le jour, concert plus agréable par les oiseaux. Enfin, c’est la vraie vie de l’homme des bois, ce qui n’est pas du tout désagréable dans cette saison.
Ton fils qui t’embrasse bien tendrement.
A. Delepierre
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