Georges

Georges était né, enfin ! Un garçon… Georges le prit dans ses bras, avec précaution. Il ne voulait pas trembler – les séquelles de ce sacré virus chopé au Maroc, huit ans auparavant.
Le père et le fils avaient le même prénom. Georges en avait longuement discuté avec Edwige. Ils avaient bien pensé à d’autres choix mais ce prénom là s’était imposé rapidement comme une évidence. Il ne leur restait plus qu’à ne pas vivre dans le même immeuble, pour éviter de troubler le facteur.
Ce fut cependant le cas pendant plus de vingt cinq ans. Une question d’organisation, en somme. Ceux qui savaient accolaient les mots « père » ou « fils » au patronyme sur la lettre qui arrivait en général au bon destinataire.
Edwige, à peine remise de couches, avait tenu à garder Georges près d’elle.
Un soir, en rentrant du travail, Georges vit qu’Edwige était très pâle.
– Ce n’est rien, lui dit-elle, juste un peu de fatigue.
Les jours suivants, Edwige fut si lasse qu’elle ne pouvait plus s’occuper de Georges. La tante Delepierre, qui habitait deux étages plus haut, venait changer le bébé et lui donner le biberon.
Edwige dormait beaucoup. Elle avait de la fièvre, à présent. Cette sacrée fièvre qui ne tombait pas malgré les médicaments prescrits par le médecin de famille.
Quand elle s’éveillait, elle voulait prendre son enfant dans ses bras. Georges le lui donnait. Il s’asseyait au bord du lit. Il regardait son Edwige.
Ils étaient heureux, de ce bonheur qui ne tient qu’au fil d’une vie qu’ils savaient si fragile.
Quelques semaines plus tard, Edwige s’endormait pour toujours.
Je n’ai jamais connu de ma grand-mère que ce visage de jeune fille de vingt cinq ans…

(c) Musefabe 2007

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