Panisse

Des Panisse, j’en connais quelques uns. Voyez-vous, un Panisse, c’est quelqu’un dont on sent qu’il a eu dans le passé des blessures au coeur. Mais ces blessures, il les a gardées bien précieusement, il n’ a pas voulu que les autres en souffrent aussi.
Alors, il a continué sa vie, avec de vilaines cicatrices tellement bien camouflées derrière un bon et brave sourire que nul n’aurait soupçonné qu’au fond de son âme, notre Panisse n’avait plus trop envie de vivre. Au milieu d’un monde distribuant des brevets d’amour de soi et d’indifférence, le Panisse semble complètement décalé. Parfois, il s’arrète un instant, prend le temps de sourire aux passants qui le regardent avec un air étonné…
Oui, le Panisse, on croit qu’il est un peu benêt. C’est pas possible d’être bon à ce point. En plus, il n’attend rien des autres, il a trop vécu pour avoir mal encore de l’ingratitude de ceux qu’il aide, sans le dire, doucement, sans le montrer. Sur le pas de sa porte, les soirs d’été, il contemple le flot de la vie qui passe sans le saluer…tout ça va trop vite pour lui.
Les enfants adorent le Panisse, lui qui n’en a jamais eu. Les petits grimpent sur ses épaules, il recueille les confidences des autres, qui lui racontent leurs premières amours. Il ne juge pas, il écoute… Les minots se sentent compris…
Il a aimé encore une fois, lui qui ne pensait pas que cela pourrait lui arriver à nouveau. Elle passait tous les jours devant son magasin. Bien sûr, il ne lui a jamais avoué que son coeur battait juste un peu plus vite lorsqu’elle lui disait:
– Bonjour, Monsieur Panisse
Alors, il lui répondait:
– Bonjour Mademoiselle Donat. Belle journée, n’est-ce-pas ?
Puis il regardait disparaitre la jupe blanche dans les dernières lueurs du couchant. Un jour, elle n’est plus venue. Les semaines se sont succédées, il prenait son poste au même endroit, à l’heure où elle passait, si fraiche, si jolie ! Il ne l’a jamais revue.
Quand il est mort, le Panisse (le jour de Noël… cela ne s’ invente pas ! ), on a découvert qu’il avait un fils et une fille et qu’il leur laissait tout ce qu’il avait. Tout… sauf une petite boite entourée d’un ruban, qu’il avait confiée quelques mois auparavant à son notaire.
Le 28 Novembre, à 11 heures du matin, Maître Noileau ouvrit la boîte, selon les instructions de Panisse. Il y avait à l’intérieur un paquet de lettres défraichies, quelques photos, un petit bracelet en plaqué or. Toujours selon les instructions, Maître Noileau alla jeter la boîte à la mer.
(c) Musefabe 2006

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