Comme chaque fin d’après-midi, je suis sur la place du village, près du vieux terrain de volley-ball. Là, c’est les grands qui viennent jouer, quand il fait moins chaud.
Comme chaque fin d’après-midi, je m’assois sur un petit banc, sous le chêne qui balance une ombre fraiche sur la poussière du sol. Le soleil est encore assez haut, il fait étinceler la girouette sur le clocher de l’églse.
Comme chaque fin d’après-midi, j’attends les autres, avec ma casquette sur la tête. En fait, j’attends les autres, oui, peut-être, mais surtout, je me languis de Marie-Claude.
Et puis c’est elle qui arrive la première. Elle est grande, plus grande que moi, Marie-Claude, bien sûr, mais, vous voyez, elle est vachement plus vieille, aussi ! Enfin, plus vieille ou pas, elle me plait avec ses longs cheveux noirs, son visage fin et légèrement allongé (un petit Modigliani aux formes slaves), avec sa jupe rouge pâle et ses tennis qui emprisonnent ses pieds nus.
Elle me regarde avec un sourire. Je dois être affreusement niais.
– Ca va, Fabrice ?
– Euh, salut !
Je ne sais plus où me mettre.
Elle s’approche, nom de nom, son visage frôle le mien. Elle dépose un petit baiser sur ma joue qui s’empourpre aussitôt.
– …
– Et ben?
Elle rit de mon embarras…
– C’est quoi ton adresse?
Je ne sais pas où j’ai trouvé le culot de lui demander ça. Elle recule un peu en faisant une petite moue. Puis, à nouveau, ce sourire à damner un troupeau de saints.
– Chemin des filtres 12, Villefranche de Rouergue.
Elle s’éloigne face au soleil. Sa jupe devient transparente quelques secondes. J’ai du mal à déglutir.
C’était il y a quarante ans. Je ne l’ai jamais revue. Mais l’adresse, je m’en souviens encore.
(c) Musefabe 2006
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